Payment, Mariette (Lucie-de-la-Trinité) 1927-2015

Une femme audacieuse pour la mission : Sœur Mariette Payment, SNJM             

Éduquer, c’est faire grandir

Sœur Mariette consacre les vingt premières années de sa vie religieuse à l’enseignement. On la retrouvera à l’École Saint-Germain d’Outremont, au pensionnat d’Outremont et aux écoles normales de Valleyfield et de Saint-Lambert où elle veille à la formation des « maîtres ». L’une de ses anciennes élèves devenue son amie témoignera : « Ton regard de feu m’a appris à repousser mes limites … tu as su diriger mon énergie sauvage et bouillonnante vers des sommets d’implication personnelle. Tu m’as donné des outils pour construire ma confiance et rassasier mon insatiable besoin d’amour. »

Trois années d’études à Paris lui permettront d’obtenir un doctorat en littérature de la Sorbonne, ce qui ne lui fait perdre en rien sa simplicité naturelle.

En 1970, son attachement à la vie de l’Église l’amènera à accepter le poste de secrétaire adjointe de l’Assemblée des évêques du Québec.  Elle y travaillera avec les responsables des offices de l’éducation des diocèses du Québec. Expérience de courte durée, puisqu’en 1971, elle est élue assistante générale de sa congrégation.

Oser le changement

Au cours de deux termes (1971-1981), sœur Mariette sera un atout précieux pour deux supérieures générales : sœur Marthe Lacroix et sœur Hermance Baril. Sa perspicacité, son dynamisme et son leadership actif aideront les sœurs à prendre le tournant décrété par le Concile Vatican II et la Révolution tranquille du Québec.

Grâce à sa capacité de s’adjoindre des collaborations, elle formera des comités d’études centrés sur la réalité vécue. Ainsi, structures et Constitutions seront mises au service de la vie et deviendront source de renouvellement communautaire et apostolique. La priorité accordée à la justice sociale à cette époque influencera assurément l’avenir de sœur Mariette qui saura « passer de la parole aux actes » en devenant missionnaire en Haïti. Elle a 55 ans.

Partager ses compétences

D’où lui est venu cet appel étonnant? Sœur Mariette raconte : « Les Petites Sœurs de Sainte-Thérèse dirigeaient plusieurs écoles élémentaires et secondaires. Elles voulaient créer une école normale pour former des professeurs, mais elles n’avaient pas les qualifications requises. Le président de la Conférence religieuse canadienne (CRC) lance alors une invitation pressante : Y aurait-il une communauté enseignante qui pourrait aider ces sœurs à se qualifier davantage? Du fond de mon cœur, j’ai entendu:  Pourquoi pas moi? »

Et la voilà donc à Papaye pour collaborer à la fondation de l’École normale de Hinche. Elle y est nommée directrice adjointe, mais en réalité, elle en est le maître d’œuvre. Sa personnalité énergique, ses compétences pédagogiques et sa créativité lui ouvrent ce nouveau champ apostolique.

Les défis « d’immigrante » ne manquent pas: s’adapter aux coutumes et à la culture haïtienne, redevenir professeure de français et surtout, trouver des points de référence pour rendre compréhensibles ses explications. Bref, sa mission éducative en Haïti sera celle d’aider les sœurs à devenir aptes à diriger leur institution et à en assurer la pérennité.

Assumer une fonction de première autorité 

Après trois ans de labeur assidu, un nouvel appel se fait entendre. Venue d’Haïti comme déléguée au Chapitre de 1986, Mariette en ressortira supérieure générale. Même si elle peut compter sur sa longue expérience de leadership au sein de la congrégation, elle avoue se sentir indigne de succéder à mère Marie-Rose. Elle prend conscience de son rôle de gardienne de l’unité de la congrégation. Elle pressent la nécessité de demeurer proche de la vie concrète des sœurs et de se tenir informée de l’évolution de la pensée de l’Église.

Devant tous ces défis, elle s’interroge : « Face à des provinces canoniques très autonomes, comment unifier la perception du charisme de la congrégation et la façon de vivre notre mission? Comment faire équipe avec des femmes très attachées à la congrégation, mais qui ont une expérience de vie religieuse différente de la mienne? Comment ajuster ma vie spirituelle à ce nouveau contexte de vie? »

Avec les membres de son conseil, Mariette, s’appliquera à la mise en œuvre des Actes du 28e Chapitre général. La promotion de la justice, dans une perspective d’éducation, a été décrétée la grande priorité de la congrégation, quels qu’en soient les formes et les lieux d’engagement. Par quel moyen réaliser cet objectif premier? Le pluralisme des années 70 n’a-t-il pas entraîné une sorte d’éparpillement des effectifs SNJM dans divers secteurs d’activités?

Des comités de justice contribueront à éveiller la prise de conscience sociale. Développer le sens de la communauté apostolique; promouvoir la participation de personnes laïques associées à notre spiritualité et à notre charisme; travailler en partenariat avec les membres de nos institutions, les employé.es de nos maisons et avec des organismes qui partagent nos valeurs, voilà des façons de donner force et cohésion à notre mission.

L’essor qu’a pris la condition féminine doit également être poursuivi, affirme sœur Mariette, car « le recul sur cette question n’est plus possible, le sort fait à la femme dans le monde ne laisse aucune religieuse indifférente. » Ajoutons enfin que sous sa gouverne, les provinces du Québec seront unifiées et le Secteur-Missions sera créé.

Demeurer « en mission » tout au long de sa vie

Son mandat de supérieure générale terminé, Mariette continuera son activité apostolique tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la congrégation. Elle sera animatrice de communautés locales; membre du comité de chantier pour la construction de la Maison Jésus-Marie (infirmerie); elle travaillera aux Archives de la congrégation, etc.

Toujours engagée pour la justice, elle deviendra bénévole auprès des décrocheurs de la Maison du Quartier, puis intervenante et membre du conseil d’administration (CA) du Carrefour Mousseau, à Longueuil.

Vivre en conformité avec ses convictions

Évoquant d’heureux souvenirs, Mariette confiait avec fierté : « J’ai grandi dans un foyer rempli d’amour, de musique et de foi. Mon père était maître de chapelle, ma mère chantait dans la chorale. »

À propos de sa jeunesse, elle affirmait : « Attachée à Jésus Christ et à son Église, j’avais le désir de sauver le monde! La lettre de référence que j’ai présentée à mon entrée dans la congrégation SNJM, disait : Mademoiselle Payment s’est fait remarquer par son jugement droit, son esprit de travail, ses succès dans les études. Elle est aussi douée d’un esprit d’initiative et d’un sens social qui la rendent sympathique à son entourage. À cela s’ajoutent une spiritualité solide et des convictions qui savent s’affirmer en faveur de bonnes causes (   ) et d’organisations de charité pour les pauvres. »

Ces prémisses viennent assurément confirmer le parcours de cette femme audacieuse constamment préoccupée d’avancement, d’unité et d’harmonie.

Bibliographie

Archives SNJM

Rapport de l’Administration générale (1986-1991)

Notes biographiques

Fille d’Euclide Payment et de Diane Laurendeau, Mariette Payment est née à Montréal. Elle est la troisième d’une famille de cinq filles. Ses premières années d’études, elle les a vécues dans des maisons dirigées par les Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (SNJM). La vie de foi de ses parents et ses engagements dans les mouvements de jeunesse : la Croisade eucharistique et surtout l’Action catholique ont sûrement influencé son choix de la vie religieuse apostolique, en 1949. Femme d’absolu, elle pressent que Dieu seul peut l’accompagner dans sa quête de bonheur.