Douillard Phyllis – Aller à la rencontre de prisonniers et d’ex-prisonniers…

… une mission qui transforme

Sœur Phyllis Douillard ne soupçonnait pas les découvertes surprenantes qu’elle allait faire en allant à la rencontre de personnes mises au ban de la société à la suite de leurs actions criminelles.

Cette dernière explique son engagement envers ces personnes marginalisées par deux expériences marquantes qui remonte à plus de 26 ans. À cette époque, sœur Phyllis était enseignante dans une école de la Commission scolaire de Montréal. À chaque année, des détenus venaient partager leur cheminement auprès des élèves.

Dans la même période, à la paroisse Holy Family, elle participe avec ses élèves à une retraite annuelle animée par un ex-prisonnier. Ces moments de rencontre ont eu l’effet d’une révélation. « J’ai compris que ces personnes avaient découvert leur mission. Elles pouvaient faire une différence dans le monde. Leur mission était unique et liée à leur expérience de vie. »

« Voir la beauté dans chaque personne »

Dès lors, sœur Phyllis se joint à deux groupes de bénévoles, un francophone et l’autre, anglophone, participant à des visites de prisonniers dans des institutions pénitentiaires. Le début d’une nouvelle aventure de rencontres s’amorce tout en s’appuyant sur la démarche de justice réparatrice élaborée sur trois niveaux.*

Engagée dans ce que l’on désigne comme l’approche de premier niveau, sœur Phyllis participe, avec cinq autres bénévoles, à des rencontres régulières avec six détenus. Cette approche de premier niveau vise à faire prendre conscience au prisonnier de l’ampleur de son crime, des effets et des impacts importants pour la victime et ses proches.

Ces rencontres, vécues dans la confiance et la vérité, ont profondément transformé sœur Phyllis. En évoquant mère Marie-Rose, elle souligne « j’ai appris à voir la beauté dans chaque personne, à aider la personne à devenir qui elle est en vérité, au plus profond d’elle-même, sans tenir compte de ses actions criminelles. »

Le pouvoir de l’Esprit

Une rencontre avec un jeune de 25 ans l’a profondément touchée. En lui partageant pleinement qui il était, sans artifice, ce jeune a montré que l’enfant intérieur en lui était bon. Bousculé par les circonstances de la vie, il s’était néanmoins laissé entrainer à commettre un crime.

« Son histoire m’a fait réaliser combien Dieu aimait ce jeune avec son crime. Comme cet amour de Dieu est vrai pour lui, il l’est tout autant pour moi. Dieu m’aime du même amour. Il m’aime telle que je suis. En fait, Dieu aime chaque personne telle qu’elle est. » Cette prise de conscience, comme bien d’autres encore, surviennent au contact régulier avec les prisonniers et les autres bénévoles. Chacun et chacune se laissent ainsi transformer par ces échanges empreints de vérité.

Sœur Phyllis Douillard a su s’entourer d’un réseau de priantes pour la soutenir dans son engagement. Ainsi, des sœurs du pavillon St-Charles sont invitées à prier à l’occasion pour un prisonnier en particulier ou pour le règlement d’une situation complexe ou difficile. « Je suis convaincue que l’Esprit m’aide considérablement dans mon action. »

Un effet de transformation étendu

Elle partage également son expérience dans son groupe communautaire et dans ses rencontres quotidiennes. C’est une façon d’apprivoiser une réalité distinctive et d’amener les personnes à s’ouvrir davantage à la différence. Avec ces échanges, ces personnes s’initient un peu plus aux principes de la justice réparatrice.Sans trop s’en apercevoir elle-même, sœur Phyllis étend l’effet de « transformation » vécu au contact des prisonniers, à son entourage. Une façon d’élargir la portée de la mission.

*Qu’est-ce que la justice réparatrice ?

Le concept de justice réparatrice s’inspire des traditions culturelles et religieuses des peuples autochtones d’Amérique du Nord et de Nouvelle-Zélande (Zehr, 2010). C’est à la fin des années 70 que le concept moderne a fait son apparition au Québec, après une première tentative en Ontario en 1974.

Tout en reconnaissant qu’il existe plusieurs définitions de justice réparatrice, les principes de base sont incontournables dont celui de reconnaitre que le comportement criminel porte atteinte non seulement à la victime, mais aussi à la communauté et au criminel lui-même (ROEJ, date inconnue).

« Dans la justice réparatrice, on mise sur l’implication de la victime, de la communauté et du contrevenant (ROEJ, date inconnue), qui sont vus comme des parties centrales du processus de réparation. L’État peut avoir un certain rôle à jouer pour faciliter le processus, mais il n’est pas au cœur de celui-ci (Zehr, 2002). Le tort engendré par l’acte criminel crée pour son auteur l’obligation de le réparer. Celui-ci est amené à se rendre compte du préjudice qu’il a causé à la victime et à adopter des moyens de le réparer. »

« Le crime engage également des responsabilités de la communauté : supporter les victimes d’actes criminels et participer à la réinsertion sociale des délinquants. La justice réparatrice vise la guérison des blessures causées à toutes les parties par le crime et à réparer le tort causé… »

Bref, « la justice réparatrice a comme objectif de combler les besoins tant de la victime, que ceux du contrevenant et de la communauté (Zehr, 2010). » Source

Autres sources : ÉquiJustice | Justice Canada