Baril, Hermance (Simone-Eugénie) 1915-1994

Une femme de sagesse et de discernement : Sœur Hermance Baril (Simone-Eugénie) SNJM

Aller aux racines de son être et des choses, tel semble l’idéal porté par sœur Hermance Baril, tout au long de son engagement comme éducatrice et de son service de leadership au niveau de la congrégation.

Former la jeunesse

Durant une trentaine d’années, sœur Hermance enseignera à la CÉCM (Montréal) et dans nos pensionnats de L’Épiphanie, d’Hochelaga, de Valleyfield, de Saint-Lambert et de Longueuil. L’obtention d’un doctorat en philosophie de l’Université de Montréal lui vaudra d’enseigner la philosophie à l’École normale Eulalie-Durocher (Saint-Lambert) et au collège Jésus-Marie, à Outremont. Elle savait, dit-on, inspirer ses étudiantes par sa qualité d’être et son attachement aux valeurs essentielles.

Plusieurs lui sont restées très reconnaissantes. L’une d’elles en témoigne : « Elle m’a laissé le souvenir d’un cœur généreux. Elle était humble et d’une bonté que je n’oublierai jamais. Son sourire, sa voix, (chant) tout ce qui était d’elle était beau. » Plus tard, Father Emmet John (Pops), qui l’a bien connue à Pierrefonds, viendra confirmer cette assertion : « Sa personne m’a inspirée. Ce qui m’a le plus frappé chez elle, c’était son humilité, sa bonté. »

Participer à la vie de sa congrégation

Les années 1970 ont marqué un grand tournant dans l’évolution de la congrégation SNJM. Façon de voir, savoir-faire et structures doivent s’adapter pour correspondre au grand bouillonnement de vie de cette époque. Ce qui implique : réflexion et discernement. En 1971, prendra forme l’organisme participatif appelé « Collège des Provinciales du Québec » (CPQ). Élue secrétaire exécutive, sœur Hermance y exercera ses talents de femme méthodique et perspicace.

Un an plus tard, elle deviendra supérieure provinciale de la province canonique d’Outremont. Dans son bon jugement, elle s’entourera de conseillères aux compétences variées qui partageront ses responsabilités. Cette façon de diriger sa province lui permet de mûrir ses projets dans la prière et d’accorder du temps à la lecture et à la réflexion. Car il lui importe de se tenir au courant des grandes questions concernant la vie de l’Église, la vie consacrée et la mission apostolique.

Répondre aux appels

Dans une lettre adressée aux sœurs de sa province, sœur Hermance les incite à se mettre à l’écoute des voies de Dieu exprimées à travers diverses circonstances. Elle ne pouvait soupçonner quel appel lui serait adressé au cours du Chapitre général de 1976 : celui de remplir avec foi la fonction de supérieure générale de sa congrégation. Son mandat de cinq ans sera renouvelé par la suite.

Comptant sur la collaboration des supérieures provinciales, elle les convoque à des rencontres spéciales et voit à l’organisation de la réunion annuelle du Bureau exécutif général (BEG).  Elle appelle également différents groupes de religieuses à réfléchir sur des thèmes précis et propose diverses activités : colloque sur la justice, mois de renouveau, réunions des responsables de formation et de vocation, etc. Elle considère ces lieux d’écoute, d’échange et de concertation comme des moyens de bâtir ensemble et de solidifier les liens d’appartenance à l’institut.

Pour sœur Hermance, l’adaptation aux exigences de la vie consacrée dans un cadre social implique aussi la responsabilité de la recherche. Elle adjoint donc à ses deux conseillères, quatre consultantes qui l’éclaireront sur différents domaines.

Animer, interpeller, accompagner

Soucieuse autant de l’avenir de la congrégation que de son retour à ses racines, sœur Hermance, inspire la communauté par ses lettres mensuelles aux accents d’espérance. Elle invite chacune à réfléchir sur notre charisme, notre consécration religieuse, notre mission apostolique. Elle présente notre fondatrice, mère Marie-Rose comme une femme de foi, de charité et d’espérance. On lui doit d’ailleurs un livret intitulé Celle qui a cru à l’avenir.

Dès son premier mandat, il lui appartient de mettre en œuvre les orientations du Chapitre général de 1976 qui définit l’éducation de la foi comme prioritaire. Elle précise : « C’est sous cet aspect bien spécifique qu’il faut confronter notre mission avec les besoins de la société et de l’Église. » C’est en quelque sorte un appel à se sensibiliser davantage aux problèmes du milieu, à se détacher de l’enseignement traditionnel, et pour un certain nombre, à choisir de nouveaux lieux d’engagement. Et à le faire avec discernement, équilibre et solidarité, tout en se rappelant que « l’éducation de la foi requiert de nous un engagement concret dans la promotion de la justice » et qu’elle incite à « devenir créatrices (…) et solidaires des pauvres et des défavorisés. » Ce qui appelle à une conversion constante du cœur.

Promouvoir la condition féminine  

Sœur Hermance jouera un rôle important par rapport à la montée du mouvement féministe des années 70. Elle y décèle une source de tension, voire de division. Dans un esprit de concertation, les supérieures majeures francophones établiront le réseau des « répondantes » qui auront la responsabilité de sensibiliser religieuses et laïques à la promotion des femmes. Bien consciente de cet enjeu dans sa propre congrégation, sœur Hermance invite sœur Jacqueline Beaudet à faire partie de ce regroupement, dans une perspective de conscientisation, d’ouverture et de solidarité féminine.

Chercheuse d’équilibre, sœur Hermance affirmera, dans l’une de ses lettres, « qu’entre l’indifférence et le militantisme outré, il existe toute une gamme d’attitudes et d’actions possibles. Les Actes du Chapitre général de 1986 feront d’ailleurs écho à cette vision d’ouverture et d’équité :

« Fidèles à notre tradition d’éducatrices, et engagées dans la promotion de la justice, nous voulons travailler dans la réciprocité avec toutes les femmes et tous les hommes à engendrer une humanité nouvelle où les droits de toutes et de tous soient respectés. »

Pour y parvenir, ce même Chapitre recommandera, entre autres, l’utilisation du langage inclusif; le développement d’une spiritualité propre à la femme; un souci de dialogue avec laïques et ministres ordonnés afin de définir la place de la femme dans l’Église et la société. Il y sera aussi question d’encourager les femmes à exercer un leadership et à s’engager là où se prennent les décisions.

Récolter la semence jetée

L’événement marquant du second mandat de sœur Hermance sera sans doute la béatification de Marie-Rose Durocher à Rome, le 23 mai 1982. Dès son premier mandat, elle avait nommée l’ex-supérieure générale, sœur Marthe Lacroix, responsable du Centre Marie-Rose et de la cause de béatification. Quel bonheur pour sœur Hermance d’être présente à Rome en ce jour grandiose et d’entendre sa fondatrice être proposée par Jean-Paul II comme « une femme d’un rare équilibre, un modèle pour notre temps et une figure très apostolique. »

Une autre des réalisations importantes de sœur Hermance a été la révision de nos Constitutions pour les rendre conformes à l’esprit du Concile Vatican II. Amorcé en 1967, le travail s’est poursuivi tout au long de ses deux mandats. Par souci d’en conserver le souffle initial, elle se rendra elle-même à Rome pour répondre aux interrogations et en assurer l’approbation définitive qui surviendra le 23 mai 1985.

Un élan de renouveau soufflera sur la Congrégation et rejaillira sur toute l’Église!

Aller jusqu’aux racines de son être

Le Chapitre de 1986 a requis toutes les énergies de sœur Hermance. Elle retournera dans son groupe local très heureux de l’accueillir. Sa vie sera ponctuée de séjours plus ou moins prolongés à l’infirmerie d’Outremont. L’affaiblissement progressif de sa vue la privera hâtivement de toute lecture. Épreuve à laquelle s’ajouteront la maladie et le décès de sa sœur Yvette, elle aussi SNJM. Elle entrera définitivement à l’infirmerie en août 1994. Ses infirmières ont témoigné avec émotion de son courage et de sa patience, à la mesure de son enracinement en Dieu. N’écrivait-elle pas en juin 1984 :

« Aller aux racines de ma consécration, c’est revivre le oui initial qui, pour moi, a été un événement de ma foi; c’est reconnaître et accepter qu’un jour, j’ai été saisie par le Christ et que, ma réponse, au niveau de la foi, au niveau de l’intention profonde de mon être, a été un don total de tout ce que j’ai et de tout ce que je suis. »

Sœur Hermance Baril, par sa force tranquille et son indéniable sagesse aura gagné l’estime générale des religieuses. Son influence est toujours perceptible à l’intérieur de la Congrégation.

Bibliographie

Archives SNJM

Lettres circulaires de sœur Hermance Baril, supérieure générale

Rapport sur l’état et le travail apostolique de la congrégation 1976-1981

Rapport sur l’état de la congrégation et sur l’administration du conseil général

1981-1986

Notes biographiques

Hermance Baril est née le 28 janvier 1915 à Saint-Tite, au Québec. Elle est la fille d’Arthur Baril et de Louise Thiffaut. Elle fait ses études primaires dans son village natal et les poursuit au pensionnat Mont-Royal, à Montréal, chez les Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (SNJM). Munie de son diplôme d’enseignement, elle entre dans cette congrégation en 1936.

Après une carrière de 33 ans dans l’enseignement, elle assumera, durant une quinzaine d’années, un leadership de réelle influence dans sa congrégation.