Journée de la bibliodiversité

Comment contrer le phénomène de la concentration éditoriale, de l’uniformisation ou d’une culture globalisante? La Journée internationale de la bibliodiversité est une façon de répondre à ces inquiétudes bien réelles et palpables dans le monde de l’édition. En s’appuyant sur les mêmes principes que la biodiversité, le terme « bibliodiversité » fait référence à cette notion de diversité dans la production littéraire offerte au public lecteur.
Le modèle économique actuel fait en sorte que 90 % du marché de l’édition en France est détenu par une trentaine de grandes maisons d’édition. Aux États-Unis, la situation est toute aussi flagrante alors que 80 % des ventes de livres sont sous la gouverne des cinq plus grands groupes.
Dans les pays de l’hémisphère sud, on déplore l’absence de véritable dispositif législatif laissant libre cours à des pratiques de prédation inquiétantes. Les grandes sociétés implantées dans ces pays font la main basse sur des maisons d’édition locale et récupèrent même le marché des éditions scolaires, source de survie des maisons d’édition indépendante. En Amérique latine, la présence de ces grands groupes a d’importantes conséquences. « … leurs politiques commerciales ont contribué à détruire le réseau de librairies traditionnelles en favorisant les chaînes commerciales ou les grandes surfaces. » (SLACHEVSKY, Paulo, « Politiques et industries du livre : le cas du Chili », L’accès au livre, édition solidaire et bibliodiversité, Bruxelles, Colophon éditions, 2003)
Au-delà des considérations économiques, Gilles Colleu rappelle les impacts insidieux du phénomène très présent dans les pays de l’hémisphère sud, mais aussi en Afrique et dans bien d’autres régions du monde : « À vouloir fabriquer des produits pour le plus grand nombre, on oublie et l’on gomme la notion de spécificité et d’identité culturelle. […] [L]’internationalisation de l’édition de livres renforce dans tous les domaines la position dominante des cultures occidentales. » (COLLEU, Gilles, Éditeurs indépendants : de l’âge de raison vers l’offensive? Paris, L’Alliance internationale des éditeurs indépendants, Coll. « État des lieux de l’édition », 2006. p. 42)
L’origine du terme « bibliodiversité » est attribuée aux éditeurs chiliens dans les années 1990. Il a été repris par l’Alliance internationale des éditeurs indépendants lors de sa création en 2002. Ce n’est qu’en 2010 qu’a été mise en place cette journée de la bibliodiversité, le 21 septembre, jour du printemps dans l’hémisphère sud. On souhaite ainsi encourager diverses actions pour stimuler la création et la diffusion d’œuvres littéraires sans subir notamment les diktats de la distribution de masse qui limite l’espérance de vie des livres à trois mois!
Le réseau hispanophone est à la fois le plus ancien et le plus actif lors de cette journée. Des initiatives de partout dans le monde voient néanmoins le jour comme en Australie, à la suite de la publication du livre de Susan Hawthrone sur le sujet où elle fait également un parallèle avec l’oppression des femmes. À son époque, Virginia Woolf a publié ses œuvres dans la maison d’édition qu’elle a fondée avec son mari pour contrer l’attitude craintive des éditeurs. (Bibliodiversité, manifeste pour une édition indépendante | Susan Hawthorne, traduit de l’anglais par Agnès El Kaïm | Éditions Charles Léopold Mayer | 128 p.)
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