Les SNJM au temps de la grippe espagnole (1918)    

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Il y a quelque 100 ans, le monde vivait une pandémie éprouvante : la « grippe espagnole » apportée par des troupes de soldats prenant part à la guerre en Sibérie. Le bilan fut lourd pour nos sociétés. Au Canada, on compta environ 50 000 victimes, dont plus de 14 000 au Québec. Les autorités municipales et provinciales imposèrent des restrictions en interdisant les rassemblements publics, en isolant les malades, en fermant les églises et en limitant les sorties. Mais ces mesures n’ont été que très peu efficaces.

Aujourd’hui, à l’heure de la pandémie mondiale du coronavirus (Covid-19), il semble intéressant de jeter un regard sur la participation sociale des SNJM au moment de la crise espagnole. La petite chronique de la maison mère d’Hochelaga de 1918-1919 (octobre, novembre) nous servira de guide.

« La grande tueuse » fait son entrée au Couvent

Le 13 octobre 1918 est une date fatidique pour le couvent d’Hochelaga. Quatre élèves sont atteintes.  Les mesures d’hygiène sont accrues afin d’empêcher la propagation. Pour le moment, les pensionnaires poursuivent leurs classes dans des conditions plus strictes : aération, désinfection des pièces, etc.

Le 20 octobre, 30 élèves sont sous les soins du médecin. La  salle de réception est transformée en hôpital pour les pensionnaires affectées. Du côté de la communauté, une vingtaine de sœurs, professes, novices et postulantes sont aussi atteintes. Elles seront isolées du reste du personnel. « Les sœurs se conforment aux ordres du comité des Écoles catholiques.  Les écoles sont fermées, externes et pensionnaires sont retournées chez elles. On ne reçoit plus de visiteurs dans la maison. »

Contribution humanitaire des SNJM

Les autorités religieuses seconderont les autorités civiles. L’archevêque de Montréal, Mgr Paul Bruchési, lance un appel aux communautés religieuses tant masculines que féminines. La supérieure générale de l’époque, mère Marie de Bon-Secours est sollicitée  afin que la Communauté prête main-forte aux hôpitaux : Hôtel-Dieu, Notre-Dame et autres hôpitaux d’urgence. Le couvent devient le pôle central où les demandes de tous les coins de Montréal sont acheminées. Mgr Bruchési réclame également du secours pour les familles incapables de procurer les soins nécessaires à leurs membres. Plusieurs sœurs se mettront à la disposition du Bureau de santé.

Un rapport soumis à la Société catholique de Protection et de Renseignements fait état de 111 sœurs en permanence dans les hôpitaux et de 181 visiteuses à domicile pour 1623 malades. Deux  hôpitaux d’urgence sont sous la direction d’un médecin et d’une sœur diplômée. Un système d’alimentation est organisé dans l’hôpital d’urgence établi dans notre école Saint-Clément à Viauville. Retenue au Québec, la supérieure provinciale du Manitoba,  sœur Marie-Médard, apportera son aide à la réalisation de ce projet.

Voici un aperçu d’autres services rendus par les aides-infirmières: veille de nuit, veille de jour avec les Sœurs de la Providence, ensevelissements, propreté des lieux, nourriture, remèdes, vêtements, literie, lavage, etc. Ceci, sans calculer le soutien moral indéniable apporté aux personnes.

26 sœurs seront atteintes par la maladie, mais aucune n’est décédée en devoir, note le rapport. À cause des circonstances, trois sœurs ont dû être inhumées hors de la Communauté : à Verchères, (sœur Marie-Radegonde); à l’Épiphanie (sœur Charles-Eugène) et à Viauville (sœur Marie-Azarius).

La lumière au bout du tunnel

Le 10 novembre marquera la réouverture des églises. Les classes reprendront dans les écoles d’abord, puis au pensionnat, le 18. Les soeurs retrouveront alors leur fonction première d’enseignantes.  L’aide offerte au public a valu à la Communauté de nombreux témoignages de reconnaissance. Soucieux d’édifier les élèves, Mgr Bruchési qualifiera d’« héroïque » le dévouement de leurs éducatrices. Les religieuses de l’Hôtel-Dieu parleront de « douce confraternité ». « Vos hospitalières sont admirables de ferveur et de dévouement », écriront-elles. En date du 30 novembre, La petite chronique  note : « On nous a fait l’honneur, dans les journaux de toutes croyances, d’exalter notre dévouement durant l’épidémie qui a sévi dans tout le pays. »

Une grande similitude existe entre les deux pandémies citées. Nous pouvons cependant nous réjouir du progrès accompli au cours des ans. Les gouvernements québécois et canadiens exercent activement leurs responsabilités face à la Santé et aux Services sociaux. Ils gèrent les crises dans le but de « sauver des vies ».

Aujourd’hui, la plupart des sœurs SNJM du Québec sont âgées de plus de 70 ans. Leur solidarité sociale s’exprime par le respect des directives gouvernementales de confinement et de distanciation. C’est leur façon de « sauver des vies ». Elles trouvent aussi des manières créatives d’apporter du soutien aux personnes : appels téléphoniques, courriels, messages, etc. tout en privilégiant la prière.

Source : Simone Perras, s.n.j.m.